Cloche.
La douleur.
Qui empêche de penser.
Sonne.
Sous le crâne.
Frappe.
Et les
Mots
Tom-
-bent.
La vi-
-sion
s'assom-
-brit
Epée
Blanche
Dans la tête, qui s'enfonce et qui s'enfonce et les mots qui tournoient sans s'arrêter sans retour en arrière et les draps du lit qui volent et la douleur qui attaque sans répit entre les oreilles le vide sidéral qui tonne et les griffes de fer qui grattent et arrachent qui recherchent à sortir de la tête déchirer la peau par dessous comme des larves qui s'agitent et dévorent de l'intérieur toute la matière rouge et grise et noire et vide et par les yeux déchirent la matière chaude et froide et sombre et bouillonnante qui tournoie et ne rien pouvoir faire que s'allonger se rouler en boule et les mains sur les yeux les oreilles la tête pour fermer et griffer retirer les asticots les larves les moustiques qui grouillent sous la peau palpitante sans effet et ne rien pouvoir faire et tomber sur le sol gémissant solitaire et pleurant comme une proie éventrée décapitée égorgée et chercher la solution inutile à la douleur déchirante palpitante qui cherche à sortir du crâne où elle est enfermée prisonnière où elle frappe contre les murs une abeille sur la vitre et encore et encore et qui cherche à sortir en frappant sur la porte toujours close des paupières fermées et ne rien pouvoir faire sinon attendre attendre attendre patienter attendre qu'elle se calme qu'elle se lasse qu'elle se rende compte que les murs sont trop durs pour sortir pour partir s'évader s'échapper de la prison de ma tête et pleurer roulée en boule enfermée prisonnière résolue, la douleur.
Des mouvements.
Lents.
Précaution.
Un geste trop rapide la ramènerait.
Un instant où elle n'est plus qu'un vague échos.
Profiter de cette courte lucidité de ce répit qu'elle laisse.
Mâchonner rapidement avaler difficilement les feuilles grasses.
Acres.
Le goût sur la langue, et les coups d'épées qui se calment.
Le goût dans la gorge, et elle qui renonce à enfoncer la porte.
Le goût dans la bouche, et la vision qui devient à nouveau plus claire.
Reste
La fatigue.
La lassitude.
Et le goût
Acre.
Remonter dans le lit défait. S'allonger. Dormir.
Le garçon se réveille dans le dortoir calme. Il est seul, les autres de sa chambre n'étaient pas là de la nuit. Il contemple le dortoir chaud et confortable, la nourriture traînant sur l'un des lits. La question revient, taraudante. Il ne comprend toujours pas. Chaque fois qu'il se réveille le paysage est le même, et il est toujours aussi incompréhensible et dénué de sens. Les draps blancs et les repas chauds arrivent sans qu'il ait besoin de faire quoi que ce soit. D'où lui proviennent toutes ces récompenses ? Quelle action lui avait-elle valut un tel traitement ? Il n'avait pas couru, il n'avait pas gagné, il n'avait pas obéit. comme à chaque réveil les pensées étaient les mêmes. Ses habits étaient chauds et secs, débarrassés de leur odeur, et ses plaies cicatrisaient. Il ne pouvait s’empêcher de penser que les blouses blanches retrouveraient bientôt sa trace, et que tout cela serait finit. Peut-être que les gens d'ici cherchaient juste à le retenir en attendant que les blouses blanches arrivent. Il devait rester sur ses gardes. Pourtant, sa tête s'était tue, et sa vision si claire lui donnait une impression de sécurité. La crise passée était déjà oubliée lointaine. Comme toujours, ces feuilles données par la Vampire faisaient effet. Il se sentait calme. Il ne les aimait pas car il avait l'impression de ne pouvoir rester sur ses gardes. Mais c'est vrai que sa tête s'arrêtait de le faire souffrir. Il avait aussi l'impression de raisonner plus clairement. Il décida de sortir, alors que la nuit voilait le monde de noir.
L'air était frais. Sekuen déserte, et ses pieds nus foulaient déjà l'herbe haute du parc. Il se sentait en sécurité, et malgré ses essais pour garder sa vigilance, détendu. Les herbes lui faisaient de l'effet. Certaines des drogues des blouses blanches étaient similaires. C'est vrai qu'ainsi, il s'entendait penser. Peut-être le chien reculait-il un petit peu. Mais les odeurs de la nuit et les sons de l'obscurités lui prouvaient que le chien ne disparaissait jamais vraiment. L'air froid lui permettait de remettre ses sens en alerte et de se réveiller de sa torpeur. Il retrouvait peu à peu ses réflexes. Ses pas se faisait plus rapides. Il allait quitter le parc, parcher vers l'extérieur. Il n'y était plus retourné depuis les quelques semaines qu'il avait passé à Sekuen. Ce lieu, avce cette dérangeante impression de sécurité était peut-être en train de devenir un foyer. Même si encore trop d'ennemis effrayants y séjournaient. Le Loup, La fille rose, la Vampire, le Monstre... Il avait confiance en Moses. En fait, c'était peut-être le seul. Enfin, une confiance toute relative. Disons, une méfiance moins forte que pour les autres. La fille rose et ses... choses était juste terrifiante. La vampire aussi. Le Loup était haït. Il lui restait quoi ? Deux révolvers qui battaient contre son torse, sous une chemise blanche et un blouson chaud. Il les avait récupérés en brisant le tiroir du bureau de l'infirmerie. L'odeur du sang l'avait guidé. Ces révolvers mériteraient d'être lavés. Purgés.
La ville approchait. Lumières et cris.
Il s'en détourna. Au Nord, Sekuen, au Sud, la ville. Entre les deux, un chien qui marche. Dans la nuit tous les chiens sont gris. Un pelage de vieillard.
A l'ouest, une odeur de métal. attirante. Des sons de grincement. Sa curiosité était piqué. Qu'y avait-il, à l'ouest ?
Des chevaux.
Des lièvres. Des girafes, des zèbres et des lions. Des licornes, des loups et des chats. Un bestiaire qu'il avait découvert avec
elle. Dans des livres d'images.
Le cheval avait la patte cassée.
Le lièvre rampait. La girafe n'avait plus de tête, le zèbre seulement un buste, le lion était aveugle. La licorne était tombée sur le côté, le loup n'avait plus de tête, le chat plus de queue. Un bestiaire mutilé s'étalait sous ses yeux. Comme dans la chambre d'un enfant méchant.
Ce devait être un manège, avant. Il en avait vu au cours de sa fuite. La fille d'une de ses proies, un homme en bleu, était dessus, avant qu'il n'attaque. Enfin, c'était l'homme en bleu qui avait attaqué le premier, et il avait eu tord. Il voulait le ramener aux blouses blanches. Il était mort.
Un pas. Léger. Le chien gris se retourne, vif, et ses yeux cherchent dans le noir ce qui approche. Une deux-patte, une humaine peut-être. Ses poils se hérissent. N'a-t-il donc droit à aucun repos ? Accroupit derrière la licorne, ses dents jaunes se dévoilent quand un grognement sourd sort de sa gorge. Dégage, intrus, c'est mon territoire.