Cette ruelle. C'est mon endroit préféré. Plutôt sombre, elle permet de se camoufler avec facilité pendant l'attente d'une proie. Et quand je dois tuer une proie, c'est toujours que je le fais. De plus, personne ne s'attend à me trouver ici. Quel bonheur. Cependant ce soir je ne suis pas seul. A peine suis-je arrivé dans la ruelle que je constate l'odeur étrangère. Qu'est-ce que ça peut être ? Je n'ai jamais senti ça auparavant. Je vois une silhouette passer rapidement puis elle disparait de mon champ de vision. Je me dirige vers l'endroit où je l'ai vu. C'est un cul-de-sac, je le sais. L'étranger n'a donc aucune chance de s'échapper.
Je marche calmement, ma respiration est normale. Je m'attends à trouver le coupable dans le cul-de-sac, mais rien. C'est impossible ! Je bondit jusqu'au mur. L'odeur étrangère est imprégnée sur les briques. Il a sauté ?
J'entends un bruit derrière moi. Je me tourne vivement. Se dresse devant moi un garçon d'à peu près 17 ans. Il semble quelque peu énervé.

"C'est donc toi qui traîne par ici. Qui es tu ? Et pourquoi es tu là ?"

Je croise les bras et m'adosse contre le mur. Si jamais il tente de m'attaquer alors je me battrais, mais après tout ne le menaçons pas si il est innocent.

Rire.
Sombre.
Noir.
Heureux ? Oui.
Libre.
Le garçon marche dans la ruelle, d'un pas lent, qui caresse le sol comme l'étreinte d'une amante, qui suit les reliefs des pavés d'un frôlement presque inaudible. Il l'entend. Le cœur de sa victime s'affole, sa respiration s'accélère, ses pensées deviennent désordonnées... Le sourire du garçon s'agrandit. Sa main, grande et large, caresse le manche froid du scalpel. Sa peau frissonne légèrement et la lueur folle de ses yeux s'agrandit. Sa proie est là. Le gamin tremble de peur, du haut de ses 12 ans, il ne peux rien faire. Soudain, il fait volte-face et il se remet à courir. Soudain il s'immobilise dans un cul-de-sac. Son poursuivant continue toujours de marcher d'un pas lent, silencieux. Mortel. D'un coup, le chasseur et sa proie s'arrêtent. Tous les deux savent. Ils le sentent. Un autre est là ce soir. Le gamin court vers lui, espérant un sauveur. Le sourire de Lyw s'agrandit. Aurait-il deux proies, ce soir ? Il rit dans le silence, d'un rire sec, nerveux. Fou. Il n'entend les voix de ses proies qu'à travers le brouillard flou des ses pensées, lointaines.

"C'est donc toi qui traîne par ici. Qui es-tu ? Et pourquoi es tu là ?
-S'il vous plait ! S'il vous plait, aidez moi ! "

Lyw éclate de rire. Les supplications inutiles de ce garçon sont pathétiques. Et lui, il peut enfin chasser, libre. Un éclair traverse ses yeux bleus quand il s'avance enfin, de son même pas lent, dans la ruelle. La lumière blafarde d'un réverbère laisse apercevoir ses cheveux gris qui délimitent un visage pâle, dans lequel deux yeux cernés, profondément enfoncés dans leurs orbites, surmonte une bouche tordue d'un rictus grimaçant de plaisir.
Bientôt.
Le Scalpel.
Le Sang.

L'odeur du sang. Je la sens d'ici. Ce garçon porte en lui de nombreuses morts. Ca me rappelle que dans la presse on a parlé d'un jeune garçon de 11 ans qui s'est enfui d'un laboratoire. Mais lui en a 17, peut être même 18. Parlez t-il d'une croissance rapide ? Oh je ne me souviens plus. Mais si c'est lui, il a été enfermé sans affection depuis longtemps. Ah c'est à Tsuki de résoudre ce genre de difficultés ! Elle est plus douée que moi là dedans ! Comment s'appelait-il déjà ? Ah oui, Lyw !

"Lyw, c'est ça ?"

Sa proie arrête de pleurer. Elle vient de comprendre qu'avec lui elle n'avait aucune chance. Elle se jette à mes pieds.

Garçon : Pitié, pitié aidez moi !

"Dégages, tu me dégoutes. Je suis un vampire abruti, ce n'est pas à moi que tu devrais demander de l'aide. Alors maintenant fermes ta gueule, j'essaye de discuter."

Je me tourne à nouveau vers Lyw. J'attends toujours sa réponse.

Vampire ?
Rire.
Le sourire de Lyw s'agrandit encore, dévoilant ses canines pointues. Il a oublié le garçon qui se glisse, tremblant, vers le fond de la ruelle. Son regard bleu électrique est fixé sur les yeux verts de son nouvel ennemis. Il ne se sent pas en danger. Au contraire, l'adrénaline coule à flot dans ses veines, le scalpel le rassure et l'autre ne sait que parler.
Un Vampire ?
Un Mort.

Lyw ?
Arrêt. Il connait mon nom ? Il sait qui je suis ?
Peur.
Serait-il avec eux ? Est-il là pour moi ?

Le garçon fait un pas en arrière, la peur dans ses yeux de glace. Il parle enfin de sa voix cassée, rauque, inutilisée depuis des lustres.

"Lyw ?"

Le mot est craché avec un mélange de peur, d'étonnement et de colère très étroitement mêlés. Court, rapide, mais le garçon n'aurait pas pu en faire plus, même s'il le souhaitait. Sa voix ne lui avait jamais servit qu'à crier de douleur...

Je vois bien qu'il n'a pas l'air rassuré.

"Du calme. Je ne te ferai rien Lyw. Merde, c'est Tsuki qui règle ce genre de problèmes ! On lui fait plus confiance qu'à moi."

Je me gratte le crâne, gêné. Je voulais me balader et je tombe sur une mission humanitaire. Poisseux comme je suis, il faut en plus que je rencontre le gosse qui s'amuse à terroriser tout le pays. Mais Le Suprême nous a demandé de nous occuper de ceux comme nous. Hors il est comme nous.

"Ecoutes Lyw, si tu restes ici, les scientifiques vont te retrouver. Viens avec moi à Sekuen Seruki, c'est une école où le directeur et les élèves te protégeront de ces monstres vêtus de blouse blanche."

J'ignore si j'ai été convaincant, mais sincère, oui !

La peur enserre le garçon dans son étau de métal. Il voudrait courir, reculer. L'autre l'effraye, mais il n'ose pas bouger. Il sent le contact rassurant du scalpel dans sa main, la froideur du métal qui lui brule la peau. Tuer l'autre tuerait sa peur, lui susurre une voix douce. Il est tenté de l'écouter, et s'avance d'un pas, quand l'autre ouvre la bouche.
Calme ? Tsuki ?
Incompréhension. Lyw monte la lame de son scalpel à hauteur de ses yeux. L'acier froid est lisse, sans accrocs. La lumière glisse dessus et le caresse lentement. Il tranche d'un geste vif l'obscurité devant lui.
Peur.

Scientifiques ?
C'est comme ça que s'appelaient les blouses blanches entre eux.
Peur ? Terreur.
Un instant.
Compréhension ? Le protéger... Le garçon ne sait pas s'il comprend. Il grogne sourdement. La lame du scalpel a descendu, son bras est baissé, pointé vers la terre.
Piège ?
Il n'a jamais compris les buts des blouses blanches, et n'a jamais su éviter leur pièges. Il finissait par s'en sortir, malgré la Douleur. Mais il ne voulait plus jamais La subir. Juste être libre. Sans Elle. Était-ce un piège ? Devrait-il tomber dedans ? Mais comment l'éviter ? Peut-être que l'autre avait raison, qu'il disait la vérité, et dans ce cas, l'hypothèse de la vérité pouvait bien mener à la Douleur. La méritait-elle ? Douleur contre fausse vérité. Oui. Non. Oui.

"Te suis."

Il tenterait. Pour voir.

Il est d'accord !?
Il semble ne pas maitriser correctement le français. Hum...Je le confierai à Tsuki sitôt que nous serons arrivés à Sekuen Seruki.

"Bien, alors suis moi."

Je me mets à marcher. J'entends ses pas résonner sur l'asphalte. Sa respiration irrégulière tente de se faire plus discrète, comme si il craignait qu'on le remarque. Il semble vraiment effrayé. J'ai remarqué que le mot blouse blanche l'avait glacé jusqu'à la moelle. Traumatisé par les scientifiques...
Nous quittons la petite ruelle. Sekuen, nous voilà...