Ange allait bien. Enfin avait l'air. Elle était toujours aussi souriante, et câline, et adorable. Mais il avait vu les griffures qu'elle portait aux bras, et qu'elle avait essayé de lui cacher. Ce n'était pas de simples éraflures comme en avaient les enfants quand ils tombaient, ce n'était pas une fine couche de peau arrachée aux genoux et aux coudes. Non, c'était des griffures. Faites par un des monstre qui vivait là. Son sang avait bouillit quand il les avaient découvertes. Ces marques n'étaient pas graves, mais signalaient bien qu'elle n'était pas totalement en sécurité. Mais que pouvait-il faire pour la protéger ? Elle lui avait bien dit que l'autre n'avait pas fait exprès, qu'ils jouaient... Ça ne le rassurait pas. Ça l'inquiétait même plus. Si c'était involontaire, n'était-ce pas encore plus dangereux ? Il avait bien dit à la responsable des petits de bien veiller sur sa fille, mais... Cette femme était elle aussi un monstre. Oui, elle gérait la classe des plus jeunes, et même plus que ça, elle s'occupait de tout ce qui les concernait. Mais elle n'avait jamais eu à gérer une humaine. Elle ne savait pas à quel point Ange était fragile et sans défense face aux monstres ! Il ne savait pas quoi faire. Quitter l'école pour mettre Ange en sécurité ? Mais quand retrouverait-il un boulot, alors ? Il ne pouvait pas la nourrir... C'était sa sécurité, ou le risque qu'elle meure de faim, et vive une vie de misère. Il se mordit la lèvre. Il n'avait pas le choix, il fallait qu'il reste ici. Il ne pouvait se permettre de perdre à nouveau son job... même si celui-ci était dangereux pour Ange.
Cependant, cette constatation ne l'empêchait pas d'être d'une humeur massacrante. Il haïssait ces monstres. Ils étaient ses élèves, oui, mais ils n'était pas humains. Ils étaient dangereux. Au fond, pour Ange comme pour lui, il n'était pas rassuré. Le flingue contre sa cuisse ne suffirait pas à se protéger si ces monstres s'en prenaient à lui ou à Ange. Il pourrait peut-être leur faire peur, et essayer de se défendre, mais il savait que ce ne serait pas suffisant. C'était mieux que rien. Ce flingue lourd et froid avait quelque chose de rassurant, battant ainsi sur sa cuisse au rythme de ses pas, dans le couloir désert. Il allait coucher Ange, la nuit était tombée. Ils étaient dans les couloirs, et marchaient vers la chambre que le professeur partageait avec sa fille. Il n'était pas encore tard. Ces griffures sur la peau de sa fille le hantaient. C'était un mauvais présage. Et il ne pouvait rien faire. Sales monstres.