Les ténèbres font peur. La ruelle est étroite, sale, encombrée et surtout pleine de dangers. La peur rôde. Sonya observait le manège du nouvel élément qui avançait et se retournait sans cesse. Manqua à plusieurs reprises de tomber sur un objet qu'il valait parfois ne pas identifier. La seule lumière était celle de la lune. La seule lumière qui valait mieux suivre. Il était bien sûr, peu recommandé de suivre un inconnu dans ce labyrinthe étroit.

Un croassement. Abel.

Il termina sa course et se posa maladroitement sur une poubelle mal refermée. Il rattrapa sa chute en déployant ses ailes et entama un nouveau vol vers une rampe d'escalier qui se trouvait à la droite immédiate de Nathaniel. La réaction se fit sentir, Abel n'était pas passé incognito.

Sonya avançait alors pour se faire connaître. C'était un élément de l'école, il n'était pas dans ses quartiers à la tombée de la nuit. Son rôle était d'intervenir. Elle claqua à plusieurs reprises dans ses mains, un bruit doux que ses gants de cuir étouffait. Elle voulait surtout attirer l'attention, et qu'il la remarque sans prendre peur. Et qu'il détourne l'attention d'Abel avant que la folie de l'attaquer par peur ne la prenne.

Sonya : Alors... Expliquez moi ce que fait une jeune louve dans un endroit peu commode un soir où la lune pourrait se faire trop... Pleine. Vous ne suivez donc pas le calendrier lunaire ? Imaginez deux secondes, le désordre que ferait votre intervention dans cette rue... Vous ne voulez pas attirer trop d'attention à votre égard pour ce premier jour parmi nous n'est ce pas, chère infortunée.
Vous pouvez reposer cette vieille lame rouillée et émoussée sur le sol. Comment je sais qu'elle est en votre prossession ? J'ai marché dessus quelques minutes avant que vous ne la voyez. Elle n'est plus là. Reposez là. Vous risquerez de vous couper, et sortir cette arme ridicule dans un endroit pareil ne servira strictement à rien.
Vous allez donc rentrer avec moi, je vais assurer votre ... Sécurité. Il serait plus que facheux que de vous trouver mal en point dans un endroit aussi peu commode à... La mort, n'ayons pas peur des mots ni des morts.

Suivez moi maintenant, à moins que vous ayez une raison à votre présence ici mais ne me jugez pas dupe.

Sonya devant tant de perspicacité s'était adossée contre une vieille affiche d'un groupe minable qui devait probablement gagner sa croute en trainant une musique ratée de bar en bar jusqu'à ce que les chanteurs décèdent dans l'anonymat ou bien, pourquoi pas dans un carton. Un carton qui pourrait même se trouver dans cette ruelle.

Nathaniel : Bon, c'est d'accord, je vous suis, c'est vrai que ces ruelles ont l'air mal famées, et je n'ai aucune raison de rester ici. Où allons nous ? Ah, et je m'appelle Nathaniel.
Elle tourna doucement les yeux vers le garçon planté au milieu de la rue. Elle tendit la main et rappela son corbeau.

Sonya : Nathaniel hein. Épatant. Ravie ravie. Suis moi après avoir posé cette lame. Tu ne voudrais pas que je vienne la chercher moi même. Je serais là pour te protéger petite-chose-fragile-qui-ramasse-des-armes-rouillées.

Sans même attendre une réponse elle tourna sur ses talons et marcha dans les allées étroites et sinueuses.

Sonya : Fais attention où tu mets les pattes. Les bouches d'égout sont rarement fermée ici. Elles sont utilisées par les voleurs pour s'enfuir sans être vu. Mais par conséquent les rats sortent et ça explique l'odeur. Si tu tombes je ne viendrais pas te chercher.

Les deux protagonistes tracèrent leur route jusqu'à arriver à un petit croisement un tantinet plus éclairé. Ces rues étaient plus larges, plus commode. Un couple en tenue de soirée passait non loin de Sonya qui semblait faire attention à tout sauf à eux. Elle ne se tournait que pour s'assurer que son compagnon d'infortune ne s'était pas perdu ou n'avait pas été pris dans le piège d'une bouche menant directement aux égouts. Ça serait dommage de ramener un cadavre puant enveloppé dans un sac poubelle à l'école. A cet instant elle se demanda si un loup sortant des égouts ne sentirait pas aussi fort qu'un chien mouillé. Cette supposition la fit sourire. Pas de quoi la tenter de lancer Nathaniel dans les eaux troubles mais elle était presque tentée de lui poser la question.

Sonya : Dis moi... Ça sent comment un loup garou perdu dans les égouts un soir de pleine lune?
Peu importe je n'attends pas de réponses. Tu n'aurais jamais dû te trouver ici, surtout seul et encore plus un premier jour. Tu as de la chance qu'un affreux jojo au scalpel ne te tranche pas la gorge. Scalpel ou autre hein. Il m'est déjà arrivé de trouver une jeune fille qui avait presque ton âge étranglée, accrochée à une gouttière à l'aide d'une ceinture, ouverte jusqu'à la taille. Les rats se faisaient un sacré festin dans ses entrailles. J'espère que ces histoires ne te choquent pas. Sinon être ici serait une singulière folie. Tu vas écouter ce que je vais te dire. Tu n'auras qu'à suivre la rue principale, celle qui est éclairée. Ne sors pas du chemin. Il te mènera à un petit sous-bois où tu seras presque en sécurité. Une fois dedans, suis les lumières de l'école. Entre par la porte principale, si elle est fermée fais le tour du mur, il y a toujours une porte ouverte. Et une fois dans l'enceinte du château, lave toi, ça ne sera pas du luxe. Et repose toi. Qu'est ce que je viens de dire ?

Sonya adossée au mur regardait l'individu s'avancer dans la ruelle éclairée. D'instinct elle remarqua immédiatement que Nathaniel se sentait malgré son intervention assez lugubre plus rassuré. Il marchait droit, ne se retournait pas sans arrêts. Plus assuré dirait-elle.

Sonya à Abel : Il faudrait garder la petite-chose-fragile-qui-ramasse-des-armes-rouillées à l'œil mon bienheureux ami.

Sonya sortit alors de sa poche un papier humide, qu'elle avait récupéré contre un mur. Ce papier affichait un message d'attention. Un homme se promenait effectivement dans ces ruelles. Y trouvait des nouvelles victimes perdues et prenait tout son temps pour les assassiner. Sans que personne ne puisse intervenir rapidement. Bien caché dans l'ombre et les déchets.

Si Sonya venait de chasser Nathaniel ce n'était pas qu'une simple question de règlement. Il y avait un certain danger dans ces ruelles sinueuses.
Elle marchait, retournant d'où elle venait. Elle le savait non loin. Peut être était-il encore à la recherche de quelqu'un pour calmer sa folie meurtrière. Elle l'avait remarqué à plusieurs reprises. Elle savait qu'il la cherchait. Qu'il se savait observé, nuit et jour. Que la nuit il savait qu'elle approchait lorsque le pendentif de Sonya murmurait dans l'ombre. Il se sentait étrangement à l'étroit. Il était chasseur depuis longtemps. Mais aujourd'hui il se frottait à une femme qui avait déjà pris le dessus. Qui l'observait, lui souriait. Lorsqu'il approchait d'elle, elle venait toujours à disparaître après un virage. Il devenait presque fou. Mais dans le même sens, que sa folie n'arrangeait rien à l'affaire. Il devenait de plus en plus dangereux. Sonya elle de son côté jouait. Elle savait qu'elle ne risquait rien, mais un nouveau comme Nathaniel lui, ne connaissait pas ses façons de faire, comment sentir sa présence.

Un cri déchirant fendit l'air. Nathaniel l'avait-il également entendu ?