La salle était dans la pénombre. Les timides rayons de la lune perçaient le vitrail aux verres épais et éclairaient les boiseries nobles de la pièce.
L'horloge massive faisait résonner son tic tac grinçant dans la pièce. Le silence était omniprésent.

Tout ce que l'on pouvait entendre n'était qu'un grattement de plume sur du parchemin, un murmure démoniaque et le tic tac. Sonya regardait l'heure, lasse. Ça faisait déjà deux jours qu'elle était enfermée dans cette pièce. La porte entrouverte. La pierre qu'elle portait en pendentif sur la table en bois épais. Elle écrivait ce qu'elle murmurait une fois la nuit tombée. Tentait de décrire ses mots la journée. Elle était visiblement fatiguée. Les sourcils froncés en permanence sur la pierre qui changeait doucement de couleur.

Elle avait noté qu'elle ne prenait que des couleurs sombres. Violet, noir, encre bleu, noir intense... La couleur naissait au centre de la pierre et s'étalait comme une goutte d'encre que l'on faisait tomber dans l'eau. Dès qu'elle changeait de couleur, la pierre murmurait plus ou moins fort des propos qu'elle ne parvenait pas à déchiffrer.

Elle prenait des notes. Encore et encore... Et encore. Elle ne dormait plus, ne sortait plus, et demandait pour seule nourriture à un gnome de lui apporter une simple assiette de veau avec quelques haricots et un morceau de pain, accompagné d'un petit verre de vin blanc qu'elle coupait avec de l'eau. Elle mangeait seule, sur un petit panier en osier, la fourchette dans la main gauche et la plume dans la main droite, prête à écrire dès que la pierre recommencerait à murmurer. Elle la détachait de son collier, le collier la maintenait accroché grâce à mécanisme de sa fabrication. Le pendentif ressemblait à une serre de corbeau qui se serrait autour de la pierre ou la laissait tomber selon le souhait de Sonya. Or, la pierre, roulant sur la table guidée par le doigt de Sonya parlait de plus en plus. Sonya ne parvenait plus à comprendre à cause de la fatigue, de l'énervement.

Sonya : Je t'aurais toi qui croit me narguer.


La porte d'entrée fut poussée par quelqu'un. Allait-il entrer ?

Le noir, c'est la première chose qui me frappe en entrant, la lumière de la lune éclaire un bout de la pièce, ou Sonya se tient assise devant quelque chose. Elle ne semble pas se demander qui est rentré, elle est si concentrée ça fait presque peur. Je m'avançe doucement, le parquet craque sous mes pas, je m'approche de Sonya, qui lève la tête vers moi : son regard est effrayant, tracé de cernes qui en dit long sur ses jours passés. Des assiettes sont empilées sur son côté, vides, je me demande combien de temps Scarlet est restée là : je m'asseois doucement Sonya ne bouge pas d'un pouce elle fixe une pierre posée sur la table, mais je me rends compte qu'elle changfe de couleur et ... étrange elle murmure des choses incompréhensibles mais le plus étonnant; c'est que Scarlet s'empresse de tout noter.
Je penche la tête vers Sonya et lui pose cette question fatidique :

Claire : Sonya ? .. Ca va ?

Miettes de pain. Tâches d'encre noire séchée. Une odeur de vin mélangé. Les lattes de la table en bois sont griffées. Le panier en osier abîmé. Des feuilles presque déchirées. La table avait été changée de place afin que Sonya puisse, sans avoir à consulter l'heure, regarder la course du soleil et de la lune. Une idée du temps qu'elle passe.

Sonya faisait rouler sous les yeux de Claire la pierre du bout de sa plume. Presque à l'instant une odeur d'encre brûlée émanait de la pierre qui avançait au grès de la flèche d'acier. La pierre passait sous les yeux des jeunes femmes d'une teinte or à une couleur charbon. Sonya planta la plume sur la table, elle rassemblait des morceaux de feuilles éparpillées sur les quatre coins de la table.

Abel était dans un recoin sombre de la pièce. Il vola jusqu'à la table perdant une plume noire juste devant Claire. Il s'approcha de la pierre. Jouant avec du bout du bec.
Sonya leva les yeux de ses notes et dit d'une voix lasse :

Scarlet : Abel...

Le corbeau s'arrêta. Croassa en direction de la pierre qui continuait ses murmures.

Elle présenta des notes écrites à l'encre rouge et noire. Griffonnée à la hâte. Aux lettres néanmoins rondes et délicates, féminine, presque semblable à l'écriture d'une enfant :

Ni rouge, ni noir
ni sang, ni larme
ni patience, ni péché

D'un empire de volupté ne reste dans le souffle du brasier que des corps divisés.
D'un empire de volupté ne reste que des cœurs divisés

ni orgueil, ni vanité
ni soupir, ni pire
ni flèche, ni cœur

Tristesse de l'étoile, du vent, de la pluie, du sang. Corps sans visage, pierre sans âme, lettres sans nombres, fractions d'éclipses, soleil sans ombre.
Même des anges, il ne reste que poussière d'os et cendre!

ni rose, ni rire
ni chair, ni pierre,
ni pitié, ni beauté...

D'un empire de volupté ne reste dans le souffle du brasier que des corps divisés.
D'un empire de volupté ne reste que des cœurs divisés

Scarlet : Qu'est ce que ça veut dire pour toi ?