---Tsuki parcourait le rayon des yeux. Une fois de plus, l'ouvrage qu'elle cherchait n'était pas dans ce rayon. Avec désespoir, elle passa au suivant, où elle se remit à longer le meuble d'ébène et à caresser la couverture des livres. Le silence régnait dans la bibliothèque. Depuis quelques temps, elle n'était plus très fréquentée. A nouveau rien. Rayon suivant.

---Tout en cherchant, elle se mit à réfléchir. Natsu était venu à Sekuen. Pour elle. Mais elle ne voulait plus rien avoir avec lui ! Il restait son meilleur ami, mais la peur constante de le blesser la hantait.

---Elle secoua la tête pour chasser ses idées, et quelques mèches roses tombèrent devant ses yeux. D'un doigt expert elle les replaça derrière ses oreilles, puis se regarda dans la vitre poussiéreuse qui se tenait face à elle. Impeccable. Elle se remit donc à chercher.

---Plongée dans ses recherches, Tsuki se mit à bailler puis enfin, elle le trouva ! Le livre dont elle avait besoin !

---L'épais manuel trônait tout en haut de l'étagère. Elle se mit à sautiller pour essayer de l'avoir, mais rien n'y faisait. Elle était trop petite. L'envie lui prit d'utiliser ses vecteurs, mais elle n'osa pas. Alors elle continua à sautiller, tendant les bras. Jamais elle n'arriverai à attraper ce fichu bouquin !

Une chaise lourde et poussiéreuse glissa, projetée par un coup de talon, pour aller percuter l'épaisse bibliothèque à côté de l'emplacement où se trouvait la jolie jeune fille aux cheveux roses.

Le choc contre le meuble avait fait trembler les carreaux fragiles et réveillé la poussière l'espace de quelque seconde.

Sonya aimait la poussière, elle se levait, volait dans les airs, et finalement retombait en silence sur le sol pour y dormir jusqu'à ce que quelqu'un d'autre vienne la réveiller.

Le bruit de ses talons avançait d'un pas rapide vers la jeune fille. Sonya lui sourit, en lui apprenant que les chaises ne servent pas qu'à s'assoir et qu'elle avait vite fait de grimper dessus pour attraper l'ouvrage qu'elle désirait plutôt que d'attendre d'avoir suffisamment grandi pour s'en emparer.

Sonya portait ce jour là une robe noire relativement courte, qui laissait entrevoir ses jambes blanches et fines dressées sur deux bottes de cuir noir à talons hauts. Elle s'approchait de Tsuki et lui caressa la joue du revers du doigt avant de déposer sur son front un baiser en guise de salut. Elle lui caressait doucement les cheveux en la fixant, avant de lui déclarer qu'elle était jolie.

D'un sourire ravissant elle grimpa sur la chaise, Sonya était un peu plus grande que Tsuki grâce à ses talons, le fer des bottes commençait à martyriser le tissus ancien et poussiéreux de la chaise.

Sonya : Alors, qu'est ce qu'il te faut jeune fille ?

---Tsuki eut un grand sourire émerveillé. Sonya...Elle était très jolie aujourd'hui, comme aux autres jours, mais avec une touche..Différente cette fois-ci ? Elle la dévisagea, la passa au scanner de haut en bas. Quelque chose avait changé. Sans doute la longueur de la robe ?

Tsuki : Je voudrais cet épais manuel, près de ta main gauche. A la reliure dorée et usagée. Cauchemars d'Outre-Tombe.

---Devant le sourire en coin de la vampire, Tsuki s'empressa d'ajouter, rouge de honte :

- C'est pour un ami !

---Tout ceci sonnait faux, et Tsuki le comprit bien assez tôt. Elle ne duperait pas Sonya. A contre-coeur, elle avoua la vérité.

Tsuki : C'est pour moi. En ce moment je fais d'étranges rêves qui finissent tous dans un bain de sang et des cadavres rapiécés. Et le dernier mort...C'est toujours Natsu. Le meurtrier, c'est moi. J'ai le visage et les vêtements couverts de sang, et mes canines sont d'un rouge assassin. Sonya...tu crois que les rêves sont des prémonitions ? Et qu'ils révèlent une partie de nous ?

---La voix de Tsuki s'est brisée. Le regard larmoyant, elle observe Sonya dans les yeux. Quelques semaines auparavant, elle aurait dévié le regard, mais désormais plus rien ne lui faisait plus peur que cet horrible cauchemar, qui revenait chaque soir la hanter. Elle osait à peine dormir. Sitôt qu'elle fermait les yeux les pires scènes macabres venaient à elle, et lui tenaient compagnie toute la nuit.

---Sonya...Sauras tu rendre mes nuits meilleures ?

Sonya écoutait la jeune femme tout en retirant l'épais document gorgé de poussière. Elle plissait les yeux pour lire le titre d'or à moitié effacé par la crasse et les toiles d'araignée opaques.

Sonya, tout en descendant de la chaise : Je vois. Tu sais, je pense pas que ce livre te donne beaucoup d'informations. Les Vampires, sont considérés même pour eux même comme des créatures morbides, pour la plupart d'entre eux, les rêves de ce genre sont loin d'être des cauchemars. En revanche, tu n'es pas aussi Vampire que moi trésor.

Sonya posa le livre sur une table, et tira une chaise de façon à inviter Tsuki à s'assoir. Tu fais des rêves, les rêves sont loin d'être le reflet de la réalité. C'est ton cerveau qui fait un peu ce qu'il veut avec des souvenirs plus où moins récents. En revanche, tu t'endors peut être avec quelque chose sur le cœur, si tu as la chance d'en avoir un. Ce Natsu, tu as peut être peur de le perdre, comme tu aurais pu perdre d'autres personnes... Dans le passé. Des êtres chers non ?

Tu as des fantômes qui reviennent, et qui prennent la forme de Natsu, pourquoi ? Parce qu'à ce jour c'est la personne qui t'es le plus chère dans ce château.

Sonya poussa du revers de la main le livre sur la table, loin de Tsuki et la regarda dans les yeux avec un profond sourire.

Sonya : Mais plutôt que de lire un livre aussi vieux, que dis-tu de parler de ça entre femmes plus ou moins intelligentes trésor ?

Tsuki se taisait, laissant les paroles de Sonya la pénétrer. Elle s'imprégnait de chaque mot, comme si la solution se trouvait dans l'un d'eux et qu'elle devait les analyser un à un pour la trouver. Mais tous sonnaient creux. Jusqu'à la proposition de Sonya. Oui, la voila la solution ! Discuter avec Sonya ! Elle avait beaucoup d'expérience puisqu'elle vivait depuis des siècles et des siècles. Tsuki inspira donc, puis se mit donc à expliquer.

Tsuki : Depuis que Natsu est arrivé, je fais d'horribles rêves...Que dis-je, des cauchemars. Dedans, il est toujours question de mort. Je suis le chasseur. Mon souffle est rauque et tiède. Je suis assoiffée. Assoiffée de sang. Même si des tas d'opportunités sont devant moi, je détruis tout pour le trouver, pour trouver Natsu. C'est son sang que je veux. Je...

La voix de la demoiselle se brise. Sa respiration est haletante. Elle semble effrayée. Elle est plongée dans ses pensées. Son rêve s'affiche à son esprit. Il semble si réel.

Tsuki : Je me mets à courir. Je dois trouver Natsu ! En chemin, je détruis des villages entiers, je tue. Enfin je retrouve sa piste. Je me mets à le chasser. Je suis tellement effrayante qu'il s'enfuit. Je le poursuis. Après une longue course qui a surtout servi à m'amuser, je le regarde s'étaler dans la boue. J'arrive doucement, le soulève, puis le vide totalement de son sang. Ensuite je le jette sur une montagne de cadavres et je pars, la bouche en sang.

Les yeux de Tsuki sont brouillés de larmes à présent. Elle sanglote. Ce n'est qu'un mauvais rêve, mais si jamais il prenait vie. Si jamais elle tuait Natsu ! Si jamais elle devenait incontrôlable ? Si tout devenait carnage, sang...Elle secoua la tête dans l'espérance de faire disparaitre ces atrocités de sa tête, mais elles restaient là, se répétaient sans cesse et s'amplifiaient.

L'horreur deviendrait un jour réel, et ce jour-ci, Natsu devrait partir. Sans rien lui dire. Elle ne devrait pas le retrouver. Mais elle le ferait, puisqu'elle perdrait le contrôle. C'est pour cela qu'elle ne voulait plus boire son sang. Mais lui ne comprendrait jamais. Son désir n'était qu'égoïste...Non, c'était elle l'égoïste !

Je sors de derrière une lourde étagère et regarde mes deux compagnes d'immortalité. L'une regarde l'autre, les yeux sans vie, l'autre fixe la table, les larmes ruisselant toutes seules. Sonya et Tsuki...J'ai écouté leur conversation sans vraiment le vouloir. En fait je cherchais un ouvrage, et j'ai tout entendu par mégarde. Je lève les épaules vers Sonya, pour m'excuser, puis m'avance et tire une chaise pour m'assoir près de Tsuki. Elle lève à peine les yeux vers moi. Je la sens chamboulée. J'ai toujours détesté voir les gens pleurer. C'est une capacité que les vampires ont perdu, mais sans doute à cause de son côté Diclonius, Tsuki la possède encore. Je rapproche un peu ma chaise de la sienne, puis la force à me regarder dans les yeux.

"Tsuki, ne pleures plus. Trop de larmes ont été versées."

Je l'oblige à poser sa tête sur mon épaule et caresse ses cheveux d'un rose sans pareil. Sonya nous observe sans rien dire. Tsuki, elle, doit être surprise et choquée.

"Si jamais tu devais perdre le contrôle, je t'empêcherai de faire des bêtises, quitte à y laisser la vie."

Ma camarade hoquette de plus belle. Je ferme les yeux et la laisse sangloter, elle finira bien par arrêter. Et en effet, quelques minutes après, elle lève la tête et me regarde, les yeux rougis par les larmes. Une enfant chétive...Voilà à quoi Tsuki m'a toujours fait penser. Elle n'a pas sa place dans cette école. Pourtant, celle-ci s'offre à tous. Pour moi, Tsuki est encore une enfant. Sa place est dans un endroit sûr, où elle ne craindra rien. En fait, seuls Sonya et moi devrions être là. Nous sommes les seuls à pouvoir combattre pour sauver notre espèce. Tous les autres...Le Suprême devrait les mettre en sureté.

"Tsuki, vas te coucher. Tu sembles épuisée, les cauchemars t'empêchent de dormir."

Elle m'observe, soudain apeurée. Je tente de la réconforter avec de sages paroles.

"Je veillerai sur toi pendant ton sommeil."

Cela semble marcher, elle me sourie, puis quitte sa chaise, tout en tremblant de tous ses membres. Je l'accompagne jusqu'à notre chambre, où je la borde et la laisse se reposer.

Sonya observait la scène sans en perdre une miette. Elle trouvait un côté comique à l'arrivée spontanée du jeune Vampire qui allait prendre les devant à sa place afin de calmer la tristesse de la jeune demoiselle.

La scène avait eu quelque chose de délicat, un style vampirique, unique. Le jeune suceur de sang aurait-été un gentleman dans une autre vie?

Le clair de la lune donnait un aspect tout à fait intime. Deux espèces totalement différente qui s'embrassent délicatement afin de se consoler. Peut être que le Vampire avait-il aussi une peine sur le cœur, et que Tsuki était le seul moyen de l'exorciser. Ou peut être décidait-il simplement de faire un signe de compassion. Un geste envers une fille qu'il fréquente depuis un sacré bout de temps maintenant.

Sonya avait remarqué que la complicité qui se nouait ne menait pas qu'à l'amitié, mais ce n'était pas tellement ses affaires, elle était comme au théâtre à observer deux inconnus qui se connaissent sans se connaître se parler, se plaire et que savait-elle encore.

Moses restait adossé sur le pas de la porte sous le regard de Sonya qui ouvrit ses lèvres, affichant un grand sourire en disant :

Sonya : Quitte à en perdre la vie ?