Je me suis encore réveillé en pleine nuit, incapable de dormir des nuits complètes. Bon, il faut dire que boire du sang peut remplacer le besoin de sommeil, parfois, et qu'avant d'arriver à Sekuen, je me suis assuré d'en boire beaucoup pour être au meilleur de ma forme. À cause de ça, il faut continuellement que je me trouve de quoi passer le temps la nuit, parce que je n'ai besoin que de deux ou trois heures de sommeil.

Donc voilà, je me suis réveillé, à 1h22 du matin et je me suis arrangé devant le miroir pour faire comme d'habitude, quand je n'ai rien à faire: Aller me promener et découvrir des endroits que je n'ai pas encore visités autour de l'école. Ce coup-ci, j'ai décidé d'aller voir cette grande tour, dans laquelle on n'a pas le droit d'entrer.

Je suis arrivé devant et j'ai examiné la grande porte de cette tour incommensurable. Je n'ai pas pu retenir une petite exclamation. Elle était fait dans un vieux bois solide, un peu à l'ancienne. Le cadre en pierres accentuait l'effet "vieux" et "lugubre" de l'endroit. J'ai posé ma main sur le métal froid de l'armature et j'ai entrebâillé la porte pour observer à l'intérieur.

J'ai sursauté en entendant derrière moi un raclement de gorge. En me retournant, j'ai vu un petit garçon qui se tenait devant moi. Il avait l'air dérangé de ma présence.

- Euh... désolé... je...

Laharl avait passé plusieurs jours à dormir. Comme d’habitude. Si pour certains le manque de sommeil était grand, voire immense, celui de Laharl était totalement…Inexistant. Ce qui était plutôt rare, surtout pour un mutant. En effet, ces derniers ont tendance à dormir peu, souvent à cause de l’anxiété. Et voilà qui résolvait notre problème ! Laharl n’était jamais inquiet ! Pourquoi le grand Overlord se ferait-il du soucis ? Ce n’était pas son genre, après tout. Personne ne pouvait le vaincre. Tout du moins, c’est ce qu’il se disait. Il était relativement confiant. Même trop. Il en oubliait presque la méchante déculottée prise par Dragnir, et ensuite par un des monstres qui se trouvait dans la forêt. On lui avait dit, depuis, qu’il s’agissait de Chasseurs, ici pour anéantir les monstres. Ce qui ne lui donnait que plus envie encore de les tuer. Il les ferait souffrir. Pleurer. Hurler à la mort même.

Cette nuit-ci donc, Laharl se réveilla, s’étirant comme un chat et bâillant. Arf ! Ce que c’était dur d’être Roi ! Après cinq bonnes minutes utilisées pour émerger de ce long sommeil, il quitta son lit. Le dortoir était vide, ou presque. Il y avait bien la petite Momo Haribara, la gamine qu’il aimait bien embêter, qui dormait paisiblement. L’envie prit au démon de se montrer très vilain avec elle. Mais alors qu’il s’approchait, un long râle lui rappela qu’elle était surveillée par cette hideuse goule. Goule qui était devenu son animal de compagnie. Ah, par l’Overlord, comme elle était laide, cette créature ! Encore plus laide qu’un colibri sans bec. Laharl lui aurait bien fait sa fête, il n’en doutait pas, mais la blessure du Chasseur avait été soignée récemment. Et même s’il se sentait tout puissant, les yeux vides de la Goule le dissuadèrent de poursuivre sa tentative. C’est donc sans commettre quoi que ce soit à l’encontre de la petite fille qui partageait sa chambre que le démoniaque roi quitta sa chambre, non sans donner un coup de pied dans le postérieur de son chat, Hermit. Ce dernier poussa un petit cri tout en sursautant, et vociféra quelque chose dans ses babines. Mais Laharl ne s’en soucia pas.

Parfaitement réveillé, et à la recherche d’une activité, Laharl décida de se balader dans le Château. Il avait bien envie d’aller réveiller Ia jeune Illiana Haru, celle qu’il avait réduis en esclavage. Pauvre humaine qui avait juste mal calculé son coup, et qui s’en mordait les doigts depuis. Esclave d’un tyran et de l’esclave d’un tyran, c'est-à-dire Hermit. Oui, la Haru était réduite à de basses besognes. Un sourire satisfait et cruel aux lèvres, le jeune garçon quitta donc l’aile où se trouvaient les dortoirs. Et rapidement, ses pas le menèrent dans une aile peu fréquentée. Pourtant, il y avait bel et bien un jeune homme qui se trouvait devant une porte menant à une Tour interdite. Laharl le savait, car il avait voulu une fois entrer, mais quelque chose l’en avait dissuadé. Quoi ? Comment ? L’overlord ? Trouillard ? Et puis quoi encore ! Ne l’insultez pas ! Ce cher bleuet voulut donc imposer sa loi. Hors de question que quelqu’un rentre dans cette tour avant lui ! Il se racla la gorge, à quelques centimètres de l’autre. Ce dernier se retourna vers lui.

▬ Tu ? Demanda-il de sa voix agaçante.

Il affichait ce petit sourire ô combien insolent qui ne lui allait que trop bien. C’était un sourire à la fois hautain et moqueur, tout en étant sadique. Bref, un sourire qui en disait long sur celui qui le faisait. Les yeux du petit démon scrutaient ceux de l’inconnu. Il allait se montrer particulièrement chaleureux, et bien sûr, comprenez que c’est là ironique. Laharl n’est chaleureux avec personne. Ce n’est pas son genre. C’est un garçon odieux, que personne n’arrive à supporter. Sauf Momo. Mais elle, c’était un cas à part…

Son sourire hautin et insolant m'a étrangement détendu. J'ai eu l'impression de me tenir devant une version plus jeune d'un démon fort sympathique avec qui je m'étais tenu pendant quelques semaines, dans mon jeune temps. J'ai souri, complètement calme, en tendant la main.

- Bonjour, bonjour! Je m'appelle Dako... Dako Ininumes... J'ai du sang de démon, de vampire et de Diclonius. Dit donc... on se connaîtrait pas déjà, par hasard?

Il me rappelait en effet de plus en plus ce démon de ma jeunesse. Ils avaient exactement le même air surnois, c'est d'ailleurs pourquoi j'ai pris le temps de préciser que j'étais en partie démon. J'espérais possiblement devenir ami avec ce jeune homme s'il était justement démon. J'ai toujours apprécié les démons pour leur sens de l'honneur et du respect de la hiérarchie.

L’inconnu à la chevelure ô combien féminine d’après Laharl se présenta. Dako machin-truc. Cool. Comme si le démon allait s’en rappeler. Dans les minutes qui suivraient, ce ne serait plus qu’un pauvre type qui observait une porte. Du sang de démon hein ? Ah mais ça changeait tout ! Ca faisait de lui un pauvre sujet qui observait une porte. Car s’il avait en lui ne serait-ce qu’une infime part de démon, il était un des sujets de Laharl, grand roi des Démons !
Se connaître ? Elle était bien bonne celle-ci ! Comme si Laharl faisait ami-ami avec le peuple. Ah ah ! Mais après tout, l’autre l’avait peut être vu avec son père ? Notre petit démon pointa le doigt vers l’autre. Même s’il était plus petit en taille que ce fameux Dako, il le dominerait !

▬ Ecoutes Dako Machin-Truc ! Je suis Laharl, grand Overlord des Démons !

En déclarant cela, ce cher VIP décolla du sol. Il avait horreur qu’on le dépasse, et veilla bien à surplomber d’une bonne tête le mélangeur.

▬ Sais tu que c’est un grand honneur pour toi de pouvoir t’adresser à quelqu’un d’aussi important que moi ?

Il affichait un petit air snobinard qui ne le quitterait décidément pas. Il adorait impressionner les gens. Encore plus ceux qui ne tarderaient pas à se retrouver sous ses ordres. Car oui ! Même si le trône n’était pas encore tout à fait à lui, il le récupérerait rapidement. Et à ce moment ci…Mouhahahaha ! Oui, je n’ai que ça à dire.

Il m'a pointé...

- Ecoutes Dako Machin-Truc ! Je suis Laharl, grand Overlord des Démons !

Il décolla du sol et se mit à flotter un peu plus haut que ma tête. Il avait l'air du genre à être au-dessus de ses affaires. Quoique, s'il est véritablement grand Overlord des Démons, je comprend ce genre de comportement et j'appuie même sa démarche avec joie. Malheureusement, Overlord ou pas, je peux pas vraiment savoir. Devant moi j'ai un petit démon arrogant qui a l'air d'avoir huit ans tout au plus. Donc en gros, s'il ment, il est dans la poisse, et s'il dit la vérité, il est plus que bien placé, parce qu'un Overlord, c'est habituellement pas mal fort.

J'imagine que je n'aurai pas trop le choix de trouver un moyen de savoir s'il dit la vérité ou pas.

- Sais-tu que c’est un grand honneur pour toi de pouvoir t’adresser à quelqu’un d’aussi important que moi ?

Sa majesté le nabot démoniaque affichait un air vraiment de plus en plus au-dessus de ses affaires. J'ai penché la tête, souri sarcastiquement, puis j'ai repris un air plus sérieux et j'ai regardé à la hauteur des pieds de Laharl, en calculant mes moindres gestes. J'ai pris un pose moins détendue et je me suis agenouillé.

- Pardonnez mon manquement, je veillerai à vous servir comme ça vous est du, oh, grand Overlord... Seulement... Il y a une chose... Non pas que je ne vous fait pas confiance, mais bien que je ne fais confiance à personne. Y aurait-il un moyen de m'assurer que vous êtes bien qui vous dîtes être? Il me semble avoir déjà entendu des rumeurs disant que le grand Overlord avait été vaincu et laissé sans héritier et que les autres démons puissants l'entourant se sont emparé de ses possessions.

J'ai eu un petit sourire en coin en attendant une prochaine réaction.

L'autre écoutait Laharl sans broncher. Ce dernier appréciait le fait d'avoir un auditoire réceptif à ce qu'il pouvait dire. Le fait de savoir qu'il aurait pu parler de tout et n'importe quoi, même du plus inintéressant des furoncles, tout en sachant qu'on l'écouterait, suspendu à ses lèvres, avait quelque chose de très agréable. L'autre, Dako, s'agenouilla soudainement face à lui. Oh ! Laharl aimait ! Il ne put réprimer un sourire. Ca, c'était très agréable. Enfin quelqu'un qui se comportait avec les manières qu'il fallait accorder aux gens importants. Ce type remontait légèrement dans l'estime du démon. Peut être qu'il pourrait devenir un bon toutou, qui sait ?

Toujours est-il que ce cher Dako-toutou entra dans un long monologue. Laharl n'aimait guère écouter les autres bavarder. Mais celui-ci parlait de lui, le grand Overlord ! Alors il fallait forcément prêter attention à ce qu'on pouvait dire. Ah évidemment. Dako avait raison de douter. Il connaissait bien l'histoire de sa race. Bien. Et il semblait ne point vouloir trahir la monarchie. Laharl afficha un grand sourire satisfait.

▬ J'apprécie le fait qu'il reste des sujets avec assez de cervelle pour se renseigner et se permettre de douter !

Il marqua une pause et se rapprocha de son interlocuteur.

▬ Tu veux une preuve ? La voici.

Laharl ouvrit sa main, montrant la paume au mélangeur. Là, se trouvait LA marque, le signe unique attestant son rang. Il était le seul à pouvoir monter sur le trône des démons. Il était celui qui devait gouverner. Il était l'unique. Il fixait de ses grands yeux l'autre, attendant sa réaction avec impatience.