Je m'était réveillé en sursaut, en plein milieu de la nuit, suite a un cauchemar plus que perturbant. Cela faisait déjà plusieurs nuits que je n'arrivait pas a dormir, et a chaque fois que je tentait de fermer les yeux, le même rêve se défilait. Ma faiblesse me faisait honte. Franchement, moi qui me croyait sans peurs. Après quelques minutes bien nécessaires pour reprendre mon souffle, je me suis levé et ai décidé d'aller sur le toit. Un peu d'air frais me ferait peut être du bien. Je dus me soutenir au mur pour ne pas me retrouver au sol. J'était tellement crevé que j'avait l'impression d'être devenu un zombi. Quand j'y pense, ma tête devait être drôle a voir. Je suis monté tant bien que mal sur le toit. J'était bien conscient que si quelqu'un venait a m'attaquer maintenant, je serait totalement incapable de me défendre. Sans m'en rendre compte, je m'était un peu trop approché du bord du bâtiment et était maintenant sur le point de tomber. J'était beaucoup trop fatigué pour me raccrocher, en cas de chute, et trop orgueilleux pour appeler a l'aide. Je me suis  donc débrouillé pour garder mon équilibre un minimum de temps. Avec un peu de chance, quelqu'un allait passer et m’empêcher de tomber. Sinon, je pouvait compter sur une fracture du crâne pour m'endormir...

Billie avait profité de sa journée comme jamais. Il respirait le bonheur et la joie de vivre. Le Muet l’avait particulièrement mis de bonne humeur ce matin là. En effet, le fantôme, même s’il n’aimait que très peu jouer, avait finalement montré l’étendue de son talent à son camarade, qui l’avait accompagné en chantant de sa voix douce et féminine. Le Muet savait depuis longtemps que Billie, malgré les apparences, n’était pas une fille. Et il l’acceptait. C’était tellement agréable. C’est donc remonté à bloc par son défunt ami qu’il n’avait de toute manière pas connu de son vivant, que Sunshine avait profité de sa journée comme jamais. D’habitude, l’insouciance n’était pas le maître mot de l’angelot. Il avait toujours peur qu’on découvre qui il était réellement. Mais ce jour ci, rien n’aurait pu entacher sa joie de vivre. Tout du moins, c’est ce qu’il croyait. Tellement en forme, il avait passé l’intégralité de sa journée en chanter en se baladant de lieu en lieu. Il avait discuté avec un fantôme plutôt taciturne, avait déposé un baiser sur le front d’un gnome, bref, il était effectivement un tantinet trop heureux. Si bien que lorsque vint l’heure du coucher, il fut incapable de s’endormir. Allongé sous ses couvertures, il fixait le plafond. Et s’il allait faire un tour ? Cette idée lui trottait dans la tête depuis un petit moment. Et s’il montait sur le toit pour observer les étoiles ? Mais oui ! Excellente idée ! Le jeune homme enfila une tenue, l’uniforme féminin de son ancienne école, pour finalement quitter sa chambre sur la pointe des pieds. Lorsqu’il arriva aux pieds des escaliers qui menaient au toit, il retint un petit saut accompagné d’un grand cri, parce qu’évidemment, ce n’était pas se la jouer discret ça. Et il courut jusqu’en haut, et ouvrit la porte à la volée. Une douce brise vint soulever ses cheveux aux reflets argentés. Il eut un petit sourire épanoui, qui s’envola sitôt qu’il vit cette silhouette tomber, juste en face de lui. Oh non ! Il se précipita jusqu’au bord du toit, tendit la main pour rattraper l’autre, mais c’était trop tard. Tant pis. Il déploya ses grandes ailes dans son dos, et bondit à la suite de l’inconnu, qu’il rattrapa en quelques secondes. Puis il remonta aussi vite qu’il le pouvait. Il n’allait pas tarder à lâcher prise. C’est que l’inconnu pesait son poids, et Billie n’était pas assez fort pour le soulever longtemps. Ils arrivèrent finalement en haut du toit, et l’angelot veilla bien à déposer le jeune homme assez loin du bord. Essoufflé, il replia ses ailes, qui disparurent comme par enchantement. Il observait en silence l’autre, le souffle court. Que pouvait-il bien faire ou dire, dans ces moments là ?

Je n'ai pas pu tenir très longtemps en équilibre et ai entamé ma chute. Cependant, celle ci ne s'éternisa pas, car quelqu'un m'a rattrapé et m'a ramené sur le toit, plus loin du bord, cette fois. Incapable d’analyser la situation, j'ai du attendre un moment avant de comprendre ce qui venait de m'arriver. Même en rassemblant tout mon courage, je n'ai pas pu relever la tête pour regarder mon sauveur en face. Je me sentait lâche et faible. Tout sa a cause du manque de sommeil? Stupide! Je me suis forcé a garder les yeux ouverts: Pas question d'avoir l'air encore plus faible! Cependant, des remerciements s'imposais.

- M-merci... Je t'en doit une...


Je détestait dire se genre de trucs, mais je n'avait pas le choix. Je me suis relevé et j'ai enfin tourné le regard vers mon sauveur. Une fille? Ou bien un homme? J'en avait aucune idée. Et pour tout dire, je m'en foutait un peu. Pour moi, ce n'était pas le sexe qui comptait, mais la façon dont la personne combattait. En dehors de sa, tous étaient égaux pour moi. Je n'avait aucune idée de la force de cette personne, et je souhaitait qu'elle ne décide pas de m'en faire une démonstration. Je n'aimait pas qu'on me prenne en pitié, mais ma fatigue devait être évidente et elle/il ne m'attaquerai surement pas en remarquant cela.

L’inconnu remercia Billie. Le jeune homme daigna donc enfin observer celui qu’il venait de sauver. Son visage lui paraissait familier, et alors qu’il venait d’entamer un « Mais de rien », sa voix se perdit, et il constata qu’effectivement il connaissait ce type ! C’était l’un de ceux qu’il avait empêché de faire n’importe quoi au Bal d’Été !

▬ Eh mais ! Tu es le type qui cherchait à se battre avec n’importe qui, au Bal !

Oups…Quel tact, quelle finesse. Sunshine allait devoir sérieusement prendre des cours, un jour. Il fit un petit sourire gêné, tout en virant au rouge pivoine. Il n’aimait pas se sentir curieux, fouineur. Il avait l’impression qu’après, on s’intéressait toujours à lui. Et lorsqu’on s’intéressait à lui, on remarquait assez rapidement qu’il n’était pas aussi normal qu’il ne le paressait. Mais, en même temps, vous avez déjà vu un pensionnaire normal, à Sekuen Seruki ? Il se mit à se dandiner sur place, et se répandit en excuses.

▬ Ah désolé ! Je…Je ne voulais pas ! Parfois, les mots dépensent ma pensée !

Pire que ça…Ce qu’il pouvait se sentir mal. Il espérait que l’autre ne lui en voudrait pas. Après tout, ce n’était pas ce qu’il y avait de plus poli, comme remarque. Et si…Et si l’autre voulait désormais se battre avec lui ? Non ! Il ne ferait pas ça ! Après tout, Sunshine ressemblait à une fille. Et tout le monde sait qu’on ne frappe pas les filles. Hein ? Oh et puis de toute manière,il lui avait ou sauvé la vie, ou évité un séjour à l’infirmerie, s’il avait une quelconque régénération ou robustesse. Donc il n’allait pas le frapper, non ? Tout cela lui rappelait désagréablement ses souvenirs humains. Les souvenirs de l’époque où il se croyait normal mais légèrement différent, à cause de sa particularité. Je ne parle bien sûr pas du côté ange. Il ne le connaissait pas, à l’époque. Il était juste persuadé d’être un garçon qui aurait voulu naître dans le corps d’une fille. Point. Et pourtant…Il était tellement plus que ça. Il avait appris à vivre avec ce corps, même s’il aurait évidemment préféré être une fille. Mais dans la vie, on ne pouvait pas tout avoir. Alors il se contenterait de ce qu’on lui avait donné, point !

- Eh mais ! Tu es le type qui cherchait à se battre avec n’importe qui, au Bal !


Ah, la je le replaçait... C'était celui qui m'avait empêché de me battre avec un surveillant, au bal! Par contre un truc me choquait: Billie semblait plutôt gêné...

- Ah désolé ! Je…Je ne voulais pas ! Parfois, les mots dépensent ma pensée ! 


Tient, cette manie de s'excuser pour rien... sa me rappelait vaguement quelqu'un. J'ai sourit.

- Pourquoi tu t'excuse? Tu n'a rien dit de mal...

Si sa aurait été Amai, je lui aurait probablement foutu une ou deux baffes. Mais la, je n'avait pas affaire a mon imbécile de fils, mais plutôt a un pensionnaire bien correct. Apparemment, il ne comptait pas m'attaquer. Billie me semblait stressé, alors j'ai tenté te le rassurer.

- Sois sans craintes. Je suis loin d'être capable de me battre, présentement...


Je venait d'avouer ma faiblesse a un semi-inconnu? Pourquoi pas... on doit tous mourir un jour, non? Alors je ne voyait pas le mal a jouer un peu avec le feu...

Billie avait gardé la tête basse, gêné. Il n’arrivait pas à croire qu’il ait pu se montrer si impoli. Il venait de sauver quelqu’un d’une mort certaine. Et la première chose qu’il trouvait à dire face aux remerciements, c’était de rappeler le seul souvenir, qui plus est négatif, qu’il avait de cette personne. S’il n’avait pas peur de se blesser grièvement, il se serait volontiers assommé tête la première contre un mur, ou même contre la porte par laquelle ils étaient chacun arrivés.

Étrangement, l’inconnu ne semblait pas avoir mal pris la remarque de l’angelot. Ou alors peut-être faisait-il des efforts pour paraître neutre dans cette histoire, afin de ne pas d’avantage le gêner. Toujours est-il que cela fit un très grand bien à Sunshine. Progressivement, ce dernier cessa de gigoter dans tous les sens. Les remarques de l’individu l’avaient plutôt apaisé. Il semblait plus calme qu’au Bal, où il avait l’air de chercher des noises à tout le monde. La « demoiselle » daigna relever le nez, pour observer son interlocuteur. C’était au tour de celui-ci de sembler préoccuper.

▬ Quelque chose ne va pas ?

Comme toujours, l’élève de la Pretty Class se souciait du bien-être des autres. Il avait ce besoin de savoir ce qui n’allait pas, de réconforter chaque personne qui présentait un soucis. Trouver une solution au malheur des autres l’occupait. Il se sentait meilleur, bon, utile. Il avait l’impression qu’ainsi, tout le monde lui pardonnerait plus tard. Lui pardonner quoi ? Ses mensonges pardi ! Leurrer les autres n’était évidemment pas agréable. Il aurait tout donné pour avouer ce qu’il était réellement. Il aurait pu, effectivement. Mais la crainte d’être une nouvelle fois rejeté occupait constamment son esprit. Il avait ici trouvé la demeure qu’il avait toujours cherché ! Il s’intégrait plutôt bien, même s’il n’avait que très peu d’amis. Pourtant, il aimait les autres, même sans les connaître. Eux aussi avaient eu un passé douloureux. De par ce fait, ils auraient pu le comprendre sans soucis. Et pourtant. Il n’osait pas. Toujours cette même crainte.

Une fois de plus, l’envie de tout avouer lui monta à la gorge. Il aurait voulu crier à cet inconnu qui il était réellement, ce qu’il cachait depuis son arrivée. Mais il se ravisa rapidement. Il n’avait pas envie, ce soir, de voir un nouveau visage dégoûté. Ni de se faire frapper.

Crevé. Il était juste crevé ? Les traits tirés, on aurait plus dit qu’il était inquiet. Ou que quelque chose le préoccupait assez pour l’empêcher de dormir. Mais au fond, Billie en était-il certain ? Il n’était pas devin, il ne pouvait pas pré-deviner ce genre de choses. Il se força à hocher docilement la tête. Pourquoi remettre en doute les affirmations de l’autre ? S’il n’avait pas envie de raconter ses problèmes –si jamais il en avait-, l’ange ne pourrait pas le forcer. Et puis, il ne pouvait hélas pas venir en aide à tous les gens qui en avaient besoin. C’était là sa plus grande déception. Il aurait tant voulu pouvoir apaiser les peines et les chagrins, effacer les peurs et les souvenirs douloureux, et ne laisser que le meilleur aux gens.

Voyant que la discussion risquait de tourner court, et préférant ne pas laisser ce garçon seul, Billie se mit aussitôt à faire la conversation ! Comme toujours, de toute manière ! Il s’approcha et tendit sa main.

▬ Au fait, je suis Billie ! Et toi tu es ?

L’envie de poser davantage de questions lui brûlait les lèvres, mais il faudrait patienter ! Pas question d’assener de questions ce parfait inconnu. Il risquait de le traumatiser. Et il cherchait juste, pour l’instant, à distraire l’autre, ne serait-ce que pour lui faire oublier que sans lui, il aurait terminé sa vie face contre terre (et non mer :P), tel une crêpe ! Justement, ce fameux interlocuteur, allait-il simplement dire son prénom, ou bien expliquer sa race, son histoire, ses problèmes peut être ? Billie, la bonne poire, l’oreille attentive, celui qui se fait facilement rouler. Vraiment, un garçon plutôt atypique. Déjà de par sa dégaine. D’ailleurs, lorsque l’inconnu lui aurait serré la main, il s’empresserait de dépoussiérer son avant-bras. Il avait vu une poussière tomber dessus. Comment ça maniaque ? Pas du tout ! Juste qu’il aimait bien que tout soit impeccable.